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Tuesday, August 5, 2025

Étape historique : l’Azerbaïdjan commence à exporter du gaz naturel vers l’Ukraine

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L’Azerbaïdjan a officiellement commencé à exporter du gaz naturel vers l’Ukraine, marquant une avancée historique dans les relations bilatérales et ouvrant un nouveau chapitre dans le paysage énergétique régional.

L’annonce provient de l’opérateur du système de transport de gaz d’Ukraine (GTSOU), confirmant que les livraisons se font via le gazoduc Transbalkan en flux inverse — passant par la Bulgarie, la Roumanie et la Moldavie jusqu’à l’Ukraine. Cet accord découle d’un partenariat entre Naftogaz d’Ukraine et SOCAR Energy Ukraine, selon le journal Kaspiy.

Le PDG de Naftogaz, Oleksiy Chernyshov, a salué l’accord comme “une nouvelle page de l’histoire énergétique de l’Ukraine”, soulignant que le pays peut désormais s’approvisionner en gaz auprès d’un partenaire fiable et amical — en contournant totalement l’infrastructure russe. SOCAR a également exprimé sa volonté de s’engager dans “une coopération à long terme, mutuellement bénéfique, basée sur des principes de marché et une compréhension stratégique”.

Du “gazoduc fantôme” à artère vitale

Le tracé transbalkanique, resté largement inutilisé depuis l’arrêt par la Russie de ses flux majeurs via l’Ukraine en 2020, a été relancé grâce aux efforts de diversification de l’UE et au corridor gazier du Sud (SGC), qui inclut les gazoducs TANAP et TAP.

Un tournant a eu lieu en 2023, lorsque la Bulgarie a obtenu l’accès à l’infrastructure gazière turque, permettant l’acheminement du gaz caspien vers les Balkans. Depuis, des stations de compression modernisées ont permis des flux nord vers l’Ukraine. Les autorités ukrainiennes ont confirmé que le gaz arrivant en Bulgarie transite désormais par la Roumanie et la Moldavie jusqu’à la frontière ukrainienne.

Percée symbolique et stratégique

Même si les volumes initiaux restent modestes (2 à 3 millions de mètres cubes par jour), le directeur du GTSOU, Pavlo Stanchak, a qualifié cette avancée de “succès symbolique et stratégique majeur”. Pour la première fois, l’Ukraine importe du gaz du Caucase du Sud sans utiliser d’infrastructure russe de transit.

Le vice-Premier ministre Oleksandr Kubrakov a ajouté : “Cette étape ne fait pas que renforcer notre indépendance énergétique, elle renforce aussi nos liens avec des partenaires partageant les valeurs européennes.”

Plans d’expansion et obstacles

L’Ukraine et l’Azerbaïdjan envisagent d’augmenter les livraisons à 5–7 milliards de mètres cubes par an. Mais des défis subsistent : le système transbalkanique nécessite davantage de modernisation, certaines stations de compression sont obsolètes, les tarifs de transit sont élevés dans certains pays et la capacité peut diminuer en hiver.

De plus, selon des experts, le gaz azerbaïdjanais — transitant par la Grèce, la Bulgarie et la Roumanie — coûte actuellement plus cher que le GNL acheminé via les terminaux européens. Néanmoins, avec des contrats à long terme et une expansion des infrastructures, le gazoduc pourrait devenir plus compétitif.

Enjeux géopolitiques

Avec l’arrêt des livraisons russes, l’Ukraine a un besoin urgent de sources d’énergie sûres et politiquement neutres. Contrairement aux États membres de l’UE, Kiev n’est pas soumise à des exigences strictes de décarbonation, ce qui lui offre une plus grande flexibilité pour planifier sa politique énergétique et conclure des accords avec des partenaires comme l’Azerbaïdjan.

Pour Bakou, l’Ukraine représente un nouveau marché d’exportation au-delà du marché énergétique européen, de plus en plus régulé et politisé. Cela permet à SOCAR de diversifier sa clientèle, d’affirmer sa présence en Europe de l’Est et de contribuer à la redéfinition de l’architecture énergétique régionale.

Un pont énergétique entre la mer Caspienne et l’Europe

L’Azerbaïdjan dispose déjà d’infrastructures prêtes à être étendues : la capacité de TANAP peut doubler (de 16 à 31 milliards m³/an), tandis que celle de TAP peut passer de 10 à 20 milliards m³. Cela jette les bases d’une deuxième vague d’investissements dans le corridor gazier du Sud. Mais il faut pour cela des contrats solides et une demande fiable, que l’Ukraine est capable d’apporter.

Ainsi, les exportations de gaz azerbaïdjanais vers l’Ukraine ne sont pas une solution à court terme : elles pourraient être le début d’une alliance énergétique stratégique. Pour l’Azerbaïdjan, c’est l’accès à un nouveau marché prometteur ; pour l’Ukraine, une étape décisive vers la sécurité énergétique indépendante et stable dans un contexte géopolitique incertain.

Le partenariat énergétique croissant entre Kiev et Bakou redessine les dynamiques eurasiatiques, renforce l’influence turcique dans la diplomatie énergétique régionale et recompose la carte de la géopolitique des pipelines.

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