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Tuesday, August 5, 2025

Pourquoi les Victimes Gardent-elles le Silence ?

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Par Kubra Maharramova

À un certain moment de la vie, on se rend compte qu’il n’y a personne ni rien à craindre. Mais devenir résilient émotionnellement et mentalement prend du temps—cela vous coûte une bonne partie de votre vie.

Enfants, on nous disait souvent : « N’aie pas peur, dis juste la vérité. » Mais pour beaucoup, la vérité était suivie de la ceinture du père ou du rouleau à pâtisserie de la mère. Cette leçon—gravée dans la peau, pas dans la mémoire—a appris à la plupart d’entre nous que le silence ou le mensonge était le choix le plus sûr.

À l’époque—et pour beaucoup, encore aujourd’hui—parents, écoles et société considéraient que discipline signifiait violence. Et cette croyance n’était pas seulement acceptée ; elle était glorifiée. Notre langue regorge de dictons comme : « Qui aime bien, châtie bien » ou « Il faut battre sa fille sinon on le regrette plus tard ».

En bref, la violence physique est devenue ancrée dans notre identité nationale—un pilier tordu de l’éducation.

Ce modèle est fondé sur la peur, pas sur la confiance. La soumission, pas la confiance en soi. Cela crée des foyers où l’obéissance prime sur la sécurité émotionnelle.

Les psychologues et les éducateurs expliquent mieux que moi à quel point ce modèle est défaillant. Si je m’y essaie, je passe pour un traître. Alors passons à une vérité encore plus sombre : le silence des victimes de violence.

Selon l’UNICEF, toutes les quatre minutes, un enfant meurt dans le monde à cause de la violence.

Environ 90 millions d’enfants vivant aujourd’hui ont subi des violences sexuelles.

Dans le monde, environ 650 millions de filles et de femmes—une sur cinq—ont été victimes de violences sexuelles pendant l’enfance. Parmi elles, plus de 370 millions ont été violées ou agressées sexuellement.

Environ 50 millions de filles âgées de 15 à 19 ans—une sur six—ont subi des violences physiques ou sexuelles de la part d’un partenaire rien que l’an dernier.

Entre 410 et 530 millions de garçons et d’hommes—environ un sur sept—ont été victimes d’abus sexuels dans leur enfance.

Les deux tiers des enfants dans le monde—1,6 milliard—subissent régulièrement des violences physiques et psychologiques à la maison.

Voici un détail terrifiant : la majorité des enfants tués par la violence sont des garçons. Trois enfants victimes d’abus mortel sur quatre sont des garçons.

Ces statistiques ne sont pas que des chiffres. Chacune représente un enfant. Une vie humaine brisée.

Et ce n’est même pas toute la réalité. La plupart des victimes ne parlent jamais. Parce qu’elles ont peur. Parce qu’elles ne comprennent pas ce qui leur arrive. Parce que leurs limites personnelles ont été brisées depuis longtemps. Les adolescentes et les femmes craignent la stigmatisation. Les garçons souffrent encore plus en silence—pris entre le traumatisme et les attentes liées à la masculinité. Beaucoup se suicident. L’agresseur, lui, continue—sans être puni.

Pourquoi ?

Parce que la société blâme souvent la victime.

Si une femme est violée, c’est de sa faute. Elle a dû mal s’habiller, mal agir, mal exister. « Une femme respectable ne se serait pas retrouvée dans cette situation », dit-on.

Cette logique tordue protège toujours le prédateur. Elle fait taire les victimes pendant des années, voire des décennies. Beaucoup finissent par parler, mais après avoir subi des traumatismes à répétition. Pire encore, leur propre famille et leurs amis refusent souvent de les croire ou de les protéger.

Pensez à l’exposition mondiale intitulée « Qu’est-ce que tu portais ? », qui présente les vêtements et les témoignages de victimes d’agression sexuelle. L’idée est simple : détruire le mythe selon lequel la tenue de la victime serait la cause du crime. Le message est clair : les agresseurs se moquent de ce que vous portez. Ce qui compte pour eux, c’est la peur. Et le silence.

Venons-en à la vraie raison de ce texte. Un cas récent en Azerbaïdjan a fait la une : un homme de 64 ans a été arrêté pour des actes indécents sur une fillette de 4 ans. Les réseaux sociaux se sont enflammés. Pourtant, de nombreux commentaires—d’hommes et de femmes—ont blâmé l’enfant.

Oui. Ils ont blâmé une fillette de 4 ans.

Je me demande : si ces mêmes personnes voyaient un homme de 64 ans faire cela à leur propre fille, blâmeraient-ils encore l’enfant ?

Nous devons apprendre à nos enfants que personne—même pas un parent—n’a le droit de toucher leur corps sans leur consentement. Qu’aucun oncle, voisin, enseignant ou aîné n’a le droit d’« être affectueux » de manière inappropriée. Qu’ils doivent parler si quelque chose ne va pas.

Nous devons aussi leur enseigner que si leurs propres parents ne les écoutent pas ou ne les croient pas, ils doivent aller voir la police.

Et voici la vérité brutale : si un parent accorde plus d’importance à l’opinion publique qu’à la sécurité de son enfant, il ne mérite pas d’avoir des droits parentaux. Point.

Cette société doit enfin comprendre—les enfants sont des êtres humains. Pas des biens. Pas des poupées.

Un dernier message—si tu lis ceci et que tu es resté(e) silencieux(se) sur des abus subis, sache ceci : ce n’était jamais de ta faute. Jamais.

Si tu as survécu, tu es déjà un(e) guerrier(ère). Je te vois. Je te crois.

Je t’envoie une étreinte.

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