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Tuesday, November 4, 2025

Assurance ≠ Compensation : le MAE russe confond les notions en parlant des paiements liés à la catastrophe d’AZAL

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Le ministère russe des Affaires étrangères a publié une longue déclaration consacrée aux paiements d’assurance liés à la catastrophe de l’avion d’AZAL survenue le 25 décembre 2024. Le texte, rédigé sur un ton caractéristiquement irrité, contient à la fois des chiffres et des formulations tonitruantes.

«La compagnie d’assurance russe AlfaStrakhovanie procède depuis février 2025 à des paiements d’assurance à la suite de la catastrophe de l’avion d’Azerbaijan Airlines (vol Bakou–Grozny). La compagnie aérienne azerbaïdjanaise a reçu une indemnisation pour l’avion équivalente à la valeur totale assurée — 1,003 milliard de roubles (plus de 12 millions de dollars).

Les demandes concernant les blessures et la mort de 46 des 62 passagers du vol ont été entièrement réglées… À ce jour, des paiements d’assurance ont été effectués aux passagers blessés et aux familles des victimes pour un montant total de 358,4 millions de roubles (plus de 4 millions de dollars)», indique la déclaration.

Mais l’essentiel n’est pas dans les chiffres. Après l’énumération des paiements, la déclaration passe immédiatement aux accusations : «Les tentatives de certains médias et blogueurs de désinformer l’opinion publique sur cette question sensible ne laissent aucun doute quant à leurs intentions destructrices et à l’absence totale de repères moraux de leurs auteurs et de ceux qui les soutiennent». Enfin, le MAE russe précise : «Nous appelons à ne pas céder aux spéculations et aux provocations évidentes… Nous recommandons à nouveau de faire preuve de vigilance, de respecter l’hygiène numérique et de se fier uniquement aux informations officielles et aux sources vérifiées».

Dans son texte, le ministère russe rapporte en détail uniquement sur les paiements d’assurance, en énumérant des milliards et des millions de roubles. Mais il tait l’essentiel — la compensation et la punition des coupables, exigées par l’Azerbaïdjan. Et cela relève d’un tout autre plan.

C’est là que réside la différence fondamentale. Les paiements d’assurance ne sont pas un geste de bonne volonté, mais une indemnisation de dommages sur la base des primes que les compagnies aériennes versent à l’avance aux assureurs. C’est comme pour une voiture : vous payez une assurance, et en cas d’accident, la compagnie d’assurance couvre les dégâts. Mais personne ne considère cela comme un acte de «compensation» de la part de l’État — ce n’est qu’un paiement prévu par un contrat d’assurance souscrit au préalable. Ici, c’est pareil : AZAL avait une police d’assurance, et c’est en vertu de celle-ci que ces montants sont versés.

Les paiements d’assurance sont régis par la Convention de Montréal de 1999 et constituent une procédure purement technique. Notons que la convention oblige tous les transporteurs aériens à assurer leur responsabilité, et qu’en cas de catastrophe aérienne, la charge financière des compensations aux passagers et aux familles des victimes incombe en règle générale à la compagnie d’assurance. Autrement dit, il ne s’agit pas d’une reconnaissance de culpabilité, mais seulement de l’exécution des obligations de l’assureur.

La compensation, en revanche, est consacrée par la résolution de l’Assemblée générale de l’ONU de 2001 «Responsabilité des États pour faits internationalement illicites». L’article 36 souligne que «l’État responsable d’un fait internationalement illicite est tenu de compenser le préjudice causé par ce fait». C’est-à-dire qu’il incombe à l’État d’indemniser les dommages résultant des actes illicites de ses organes. En l’occurrence — les militaires russes ayant abattu l’avion azerbaïdjanais. Et cela n’est plus une question de comptabilité, mais de responsabilité.

Or, sur la culpabilité et la punition des militaires russes, le MAE et les organes d’enquête russes se taisent encore. Il n’y a ni reconnaissance, ni excuses complètes, ni tentative d’assumer la responsabilité. Seulement des accusations contre les médias et blogueurs azerbaïdjanais qui ont osé poser des questions dérangeantes.

L’histoire connaît de nombreux exemples d’États ayant assumé leur responsabilité. En 2003, la Libye a reconnu sa responsabilité dans l’attentat de Lockerbie en 1988 et a versé 10 millions de dollars aux familles de chacune des 270 victimes. En 2020, l’Iran a reconnu sa culpabilité dans la destruction du vol ukrainien PS752 et s’est engagé à verser 150 000 dollars aux proches des victimes.

L’expérience de différents pays montre que dans de telles situations, lorsque la culpabilité incombe à l’État, il est question de compensation, et non de paiements d’assurance. Dans ce contexte, la position du MAE russe apparaît comme la continuation directe d’une ligne de dénégation — seuls les paiements d’assurance sont reconnus, tandis que la question de la responsabilité de l’État et des compensations est passée sous silence.

Le calcul politique est transparent. La déclaration du MAE russe s’adresse avant tout au public interne, pour lequel les milliards et millions versés doivent paraître convaincants : «La Russie a honnêtement rempli ses obligations». Et la rhétorique agressive ajoute du poids et rejette la faute sur les médias et blogueurs. Hors de Russie, cela est perçu comme un communiqué de propagande, où les rapports secs sur les paiements d’assurance visent à étouffer la discussion sur la responsabilité. L’Azerbaïdjan comprend parfaitement la différence entre assurance et compensation. Et pour Bakou, la question de la compensation est essentielle. Parler de paiements d’assurance tout en ignorant les compensations, c’est détourner sciemment la conversation.

L’hygiène numérique à la moscovite ressemble à ceci : d’abord abattre un avion, ensuite se vanter fièrement d’un paiement d’assurance, et qualifier de «forces destructrices» tous ceux qui doutent.

Et tant que la ligne de Moscou reste la même — fuite devant l’essentiel, substitution des notions, insinuations, silence sur la culpabilité et la punition des responsables — on ne peut pas parler de normalisation des relations entre l’Azerbaïdjan et la Russie. La tragédie de l’avion azerbaïdjanais n’est pas un dossier d’assurance clos, mais une question de responsabilité, à laquelle la Russie devra répondre tôt ou tard.

Pour conclure, rappelons encore une fois les paroles du président Aliev lors du troisième Forum mondial des médias de Choucha, tenu en juillet de cette année. Cette phrase illustre au mieux ce qui se passe entre l’Azerbaïdjan et la Russie :
«Pour nous, tout est clair. Nous savons ce qui s’est passé, nous pouvons le prouver, et nous savons que les responsables russes savent ce qui s’est passé. Et la question se pose : pourquoi ne font-ils pas simplement ce qu’aurait fait n’importe quel voisin ?».

Source : Caliber.Az

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