17.5 C
Munich
Tuesday, August 5, 2025

La « bataille » des routes commerciales : la Chine soutient l’Iran, l’Europe mise sur le TITR

Doit Lire


Par Ilgar Velizade

La semaine dernière, l’Iran et la Chine ont franchi une étape importante sur la carte du transport eurasiatique en signant un accord pour électrifier un tronçon ferroviaire de 1 000 kilomètres reliant les frontières ouest et est du pays — de la Turquie au Turkménistan. La modernisation de la ligne Razī–Serakhs va bien au-delà d’une simple mise à niveau ; il s’agit d’une refonte stratégique de l’une des principales artères terrestres de l’Iran, susceptible de transformer les flux de fret entre l’Est et l’Ouest.

Selon l’agence de presse iranienne Tasnim, citant Fars, l’accord a été conclu à Pékin lors d’une rencontre entre le chef des chemins de fer iraniens, Jabarali Zakery, et le président de China Railway, Guo Zuchu. RailFreight indique que le projet couvre près de la moitié de l’axe ferroviaire principal iranien reliant la Méditerranée à l’Asie centrale. Les plans prévoient une électrification totale et l’ajout d’une seconde voie sur les sections les plus fréquentées, doublant effectivement la capacité. Dans un pays où seule la ligne Mashhad–Téhéran dispose actuellement de deux voies, il s’agit d’un bond en avant, modernisant non seulement les itinéraires vers la capitale, mais aussi les hubs régionaux et les terminaux de fret internationaux.

Ce calendrier n’est pas un hasard. Au premier semestre 2025, le fret conteneurisé entre la Chine et l’Iran a explosé de 260 %, principalement grâce à des biens industriels à forte valeur ajoutée. Cela renforce la route terrestre Chine–Iran–Turquie comme une alternative potentiellement concurrentielle aux corridors trans-eurasiens existants.

Le facteur TITR

Mais cette évolution ne peut être considérée isolément. La Route internationale transcaspienne de transport (TITR), également appelée Corridor du Milieu, s’impose progressivement comme une liaison prioritaire entre la Chine et l’Europe. Son principal atout réside dans sa neutralité politique et son exemption des sanctions lourdes qui pèsent sur l’Iran. Contrairement à la route iranienne, le TITR offre aux opérateurs logistiques internationaux, assureurs et investisseurs un trajet sans risque de sanctions secondaires ni pénalités réputationnelles.

Le TITR bénéficie également d’un solide soutien de l’Union européenne, qui le considère comme une alternative stratégique aux routes russe et iranienne. Bruxelles investit dans la modernisation ferroviaire en Asie centrale, la simplification des procédures douanières, le suivi numérique des cargaisons et les infrastructures vertes. Sa flexibilité multimodale — incluant des segments maritimes via les ports d’Aktau et de Bakou — permet de réacheminer les cargaisons en cas de perturbations saisonnières sur la Caspienne ou de menaces sécuritaires.

La route iranienne : ambition élevée, risque élevé

À l’inverse, la route terrestre iranienne doit relever des défis majeurs. Les sanctions restreignent fortement le nombre de partenaires internationaux, tandis que l’instabilité régionale ajoute une part d’incertitude. En juin 2025, par exemple, les frappes aériennes israéliennes en Iran ont forcé l’annulation d’un service multimodal Chine–Arménie devant traverser le territoire iranien — preuve que même les projets les mieux préparés peuvent être stoppés du jour au lendemain.

Deux architectures concurrentes

Ce qui se dessine, c’est une double architecture du transport : l’une, structurée autour du TITR soutenu par l’UE, intégrée aux réseaux d’Asie centrale et d’Europe ; l’autre, fondée sur la coopération sino-iranienne dans le cadre de la Nouvelle Route de la Soie, tournée vers les pays de l’OCS. La compétition ne se jouera pas seulement sur l’économie et la distance, mais aussi sur la capacité de chaque route à résister aux chocs géopolitiques et à la pression des sanctions.

Pour l’Iran, l’électrification de la ligne Razī–Serakhs est une tentative pour s’imposer parmi les grands acteurs de la logistique mondiale. Pour les chargeurs internationaux, cependant, la prévisibilité et le soutien institutionnel penchent encore nettement en faveur du TITR. À court terme, le Corridor du Milieu demeure l’artère Est-Ouest la plus viable, mais il doit désormais composer avec un rival crédible, l’axe Iran–Chine, qui pourrait s’imposer comme une véritable alternative s’il parvient à surmonter la tourmente politique régionale.

- Advertisement -spot_img

Plus d'articles

- Advertisement -spot_img

Dernières